mercredi 15 juillet 2009

Skatebording is not a crime!

Pour Véro


Il vient un moment où tout être humain réalise qu'il est devenu un adulte.

Chez les Spartiates, pour devenir un adulte et un guerrier, les jeunes garçons devaient vivre une épreuve nommé la Kryptie. Moi, pour devenir une adulte à 26 ans, j'ai pris une brosse avec mon amoureux.

Mais avant raconter tout ça ici, je dois revenir en arrière.

Parenthèse.

Adolescente, je me pâmais la langue à terre tous les week-ends avec mes amies au carré d'Youville à Québec devant les skatteux.

Ah! Le skatteux et sa casquette de chez Exo.

Ah!Le skatteux qui enlève son t-shirt de chez X2O Rio, exhibant ses abdominaux glabres et luisant de sueur ou encore mieux, poilu comme doit l'être un homme.

Ah! Le skatteux qui boit à l'abreuvoir et sur ses belles lèvres sèches et charnues ruisselle une eau limpide.

Ah! Le doux renflement qui se dévoile quand le skatteux exécute une figure avec son skateboard et qu'on voit apparaitre ses fesses moulé dans un boxer qu'il n'a pas daigné recouvrir de ses jeans.

La mode des g-string à l'air, elle vient peut-être de là si ça se trouve.

J'aurais vendu ma grand-mère en croquettes pour être la copine super stylée d'un skatteux.

Moi et mes amies regardions négligemment les garçons rouler sur leur planche avec l'air de celles qui en avaient vu d'autres; mais notre jeune âge ne nous permettait pas d'avoir l'air aussi au dessus de ça qu'on aurait aimé le montrer.

Les novices que nous étions voyions nos joues s'empourprer dès que l'un d'eux passait près de nous, dès que nous entendions un autre skatteux le héler (il s'appelle Sébas, il s'appelle Sébas!!!).

Nous écoutions du punk à plein volume dans nos walkmans jaunes Sony avec des cassettes tellement copiées qu'il ne restait qu'un mince filait de voix qui filtrait jusqu'à nos oreilles. Et nous avions le style skatteux.

Nos parents aurait dis oui qu'on aurait trimballé partout avec nous, comme une sacoche, un skateboard, mais ils trouvaient cela ridicule et ils avaient bien raison.

Nous, nous étions du bon bord. Car de l'autre bord, il y avait les yo.

Comme les yo étaient les ennemis jurés des skatteux, ils étaient les nôtres aussi. Les yo écoutaient du dance, s'habillaient chez Stitches et étaient cons. Point barre.

Tout donner, j'aurais tout donné pour avoir un skatteux à moi toute seule.

Et bien que j'aie donné beaucoup, je ne l'ai jamais vraiment eu.

Fin de la parenthèse.

Nous étions donc là, les deux pompettes et heureux quand il m'est venu une idée géniale: lui faire entendre une toune. Et pas n'importe laquelle: Paranoid Android de Radiohead repris au piano par Christopher O'riley. Vraiment, l'idée de génie.

Donc je mets la chanson et dans un recueillement propice à ce genre de moment proche de la prière, j'écoute. Pleure un peu. Bave à peine. Et le regarde, mon bel amour, pour voir s'il partage mon enthousiasme.

Hé bien non.

Il est assis sur le lit et me regarde étrangement, comme si le piano de O'reily lui plaisait autant qu'une crème molle à l'huile de foie de morue. ''Alors''? que je lui demande, ne perdant pas espoir de partager avec lui ce moment. ''Ben...ça me dis rien...'' Et moi de réagir avec tout l'éclat que me confère mon état d'ébriété avancé: ''Ben voyons minou! Tu ne la connais pas cette chanson? C'est Paranoid Android de Radiohead!'' Sur le lit: toujours aucune réaction. Être plus susceptible, je serais portée à croire qu'il fait exprès pour me choquer. ''Ben voyons ! que je m'écrie, n'y croyant pas encore. Tu ne connais pas Paranoid Android?!?''

''Ben non...''

''Mais alors! que je hurle, car ignare à ce point ça ne se peut pas, il me cherche ce taquin c'est évident, qu'écoutais-tu dans les années 1990-2000?!?''.

Il me répondit alors comme s'il s'agissait d'une évidence aussi grande que l'universalité de la pièce de piano de Christopher O'riley l'était à mes yeux.

''Ben...Du dance.''

Je me suis alors vue, avec mes pantalons trop grand, mes souliers de skate, assise au carré d'Youville et la jeune fille que j'ai été m'a regardé et a murmuré: ''Fuck man...Tu t'es pogné un yo.''

Et j'ai su que j'étais un adulte, car qu'il soit yo, preppies ou ex-candy raver, il sera toujours l'homme de ma vie.

lundi 13 juillet 2009

Le chalet

Quand j'étais petite, nous allions à chaque été à mon chalet, au lac Saint-Charles dans la grande région de Québec.

C'était un shack perdu au milieu des riches maisons bourgeoises; un immense terrain où logeaient le Grand Chalet Blanc, la Roulotte et le Petit Chalet Bleu. Pour résumer, le Grand Chalet Blanc était comme la maison commune (où feu ma grand-mère dormait), la Roulotte appartenait à la famille M... et moi, mes parents et ma jeune sœur dormions dans le Petit Chalet Bleu. Mes cousins dormaient dans la Roulotte mitoyenne à notre chalet deux pièces: ils aimaient dire le matin que mon père ronflait tellement fort qu'ils l'avaient entendu toute la nuit. Comme il ronfle comme une tondeuse à gazon qui a de la misère à démarrer et que les murs du chalet étaient en carton, je crois bien qu'ils avaient raison.

En vérité, le Petit Chalet Bleu n'était pas isolé : les murs étaient vides. Ceci faisait en sorte que nous ne pouvions pas y vivre à l'année et que les murs étaient couvert de tablettes: les traverses des murs. Et les soirs de pluie, on entendait les gouttes frapper le toit comme si des écureuils dansaient la claquette sur nos tête.

Notre chalet était une fierté familiale, malgré ses allures déglingués. On y parquait nos vélo dans l'allée de garage, on construisait des cabanes dans les arbres, on se baignait dans la piscine hors-terre pendant des heures: que du bon.

La majorité du temps, il n'y avait que ma famille et celle de mes cousins M... Mais quand le reste de la parenté venait passer la journée au Lac, le party levait assez vite. Nous sommes beaucoup de cousins, 10 en tout; 10 ans sépare le plus jeune du plus vieux.

Et un jours, un de mes nombreux cousins a amené un ami du Patro Laval, un centre communautaire.

Oh oh.

Ensemble, nous ne faisions qu'un: le même sang coulait dans nos veines. Nous nous comprenions sans avoir à parler. Des codes régissaient notre monde et aujourd'hui, je sais que si vous dites à quelqu'un dans un party: ''Prends pas ma place'' lorsque vous vous lever pour aller pisser, garanti qu'il va la prendre pareil, juste pour vous faire chier.

Nous, nous respections la parole du cousin.

L'ami donc se présente au chalet et parle trop fort, bouge trop vite, bouscule un peu, bref essaie de se faire une place, mais ce n'est pas facile. Nous sommes tissés serrés.

Le jeune garçon n'a rien de particulier si ce n'est qu'il se gratte. Tout le temps. Peut-être avait-il un toc? Mais nous ignorons ce qu'est un toc, nous ignorons la maladie, la peur et la mort: alors nous l'appelons ''Sam Pique''.

Et Sam Pique de se gratter de plus belle, nous énervant parce que pas comme les autres, pas comme nous autres et nous décidons de faire une chose horrible.

Nous avions à mon chalet des objets que je n'ai jamais retrouvé ailleurs. Une chaise de jardin, par exemple: grande, longue, blanche en métal avec des springs et un coussin avec des fleurs jaunes et brunes. Une merveille kitsch.

Alors nous avons dit à Sam Pique de se coucher sur la chaise, pour le fun, sans y mettre le coussin. Et toujours pour le fun, nous l'avons attaché avec une grosse corde jaune qui écorchait les mains.

Puis, quand il fut bien ficelé, une bulle est passée et nous avons décidé, entre cousins, d'aller au lac pour voir s'y on y était. Car au lac Saint-Charles, il y avait un lac: de l'autre côté de la rue et du bosquet.

C'est ma tante N... qui nous a intercepté. Sans elle, Sam Pique serait encore sur sa chaise.

Mais il faut nous comprendre: nous n'étions que des enfants.

Et il n'arrêtait pas de se gratter.