mercredi 19 décembre 2012

L’Anémone

En serrant les dents, ça va passer. Il vient un moment où le corps oubli qu’il a mal, il passe à autre chose, il se tanne: c’est comme tout. Elle va endurer encore un peu la souffrance qu’elle s’inflige, qu’elle fait subir à son corps défendant et après ce sera fini. Anne pourra se relever et retourner travailler, boire un verre avec un homme beau et bon qui lui susurrera des paroles douces dans le creux de l’oreille. Tu es belle, tu es incroyable, la courbe de tes seins est comme un poème…Yeah right.


Plus loin d’elle, comme si la personne était dans une autre pièce, Anne entend cogner. De petit coup, toc toc toc, comme si on voulait entrer alors qu’ici tout ce qu’on fait c’est sortir. On expulse, on pousse, on tire, on crie aussi parfois : toujours des enfants mort. Anne espère que le sien l’est déjà. Au fond, elle espère qu’il ne souffre pas trop. Après tout ce n’est pas de sa faute : il n’a pas demandé à venir au monde. Il est là, il dérange et s’il avait eu le choix, il serait allé voir ailleurs s’il y était. Des femmes tueraient pour donner la vie, Anne le sait. Elle les voit parfois dehors devant le bureau de l’Anémone criant comme des folles le droit des femmes de ne pas disposer de leur corps. L’autre jour, une enragée lui a craché dessus. Anne à montrer ses dents et la furie n’a pas recommencée. Une autre manifestante a hurlé : « Arrière, démone!» Anne a rit jaune. Puis elle a murmuré à la femme, qui s’accrochait à sa pancarte comme à une planche de salut, des paroles incriminant son mari libidineux et celle-ci a hurlé de plus belle. C’est qu’Anne si connait en mari libertin. Mais elle est vite entrée : elle avait rendez-vous.

Au commencement, il faut se coucher sur une planche de bois soutenue par deux équerres qui sert de lit et de table, puisque l'Anémone a faim parfois. Comme il est de mise de se dévêtir et de ne porter qu’une fine robe en lin blanc tâchée de la douleur des autres, il fait froid. Il faut mettre les pieds dans des étriers et écarter les jambes jusqu’à ce que ça fasse mal. Ensuite, l’Anémone dilate l’utérus avec des branches, Anne ne sait pas trop de qu’elle arbre il s’agit, peut-être de la mandragore. Ensuite elle dit de dormir et c’est dur, car l’entrejambes tiraille, ça fait mal. Le lendemain elle entre ses doigts dans le corps de la femme et elle y glisse des produits qui sentent forts, un mélange de gin et de moutarde. Ensuite il faut attendre encore quelques heures puis elle entre des morceaux de métal, des tiges qu’elle agite dans tous les sens pour faire sortir le fœtus. Parfois elle ne réussit pas et l’enfant reste là. Il faut la payer quand même et on raconte que des femmes ont mises au monde des bébés aux yeux crevés qui sentaient le gin et la moutarde. Anne n’aime pas cela, mais elle le fait pour l’Anémone : il faut bien la nourrir.

Soudainement, les deux femmes entendent un cri primal venant du ventre d’Anne. L’Anémone suspend alors son geste et attend un peu avant de reprendre avec des gestes rapides, froids, distants. Elle est habituée: ça crie toujours un peu les bébés quand on les contrarie.







Le garçon qui avait vu l’ours

Dave m’avait dit que je pouvais lui faire confiance, que tout irait comme sur des chapeaux de roue et de me fier à lui comme à la prunelle de ses yeux. Il m’a dit : «T’inquiètes, je le sais de source sûre, je suis au courant de tout, il n’y a pas plus fiable que moi, j’ai fais ça des tonnes de fois». Il a aussi dit que j’étais son meilleur ami et qu’ensemble on le ferait. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu et Dave m’a menti. Dave m’a trahi. Et pour ça, il doit mourir.
Moi et Dave nous sommes connus au terrain de jeu, quand nous étions tout petits. Déjà, il était celui qui mène, celui qui décide si on joue à la tag, à la cachette ou tout simplement dans le bateau de pirate. Que d’aventures avons-nous vécu dans cette fameuse structure, nous prenant tour à tour pour des flibustiers au langage coloré ou pour des soldats de la couronne Britannique défendant notre chère patrie! Souvent j’allais souper chez Dave et ses parents nous cuisinaient des hot-dog vapeurs moutardes-choux, puis je rentrais chez moi pour prendre mon bain et me coucher, impatient d’être rendu au lendemain matin pour revoir Dave et toute la bande du terrain de jeu. Il était mon meilleur ami, il était mon confident, il était mon idole. Il était mon amour.

Les années ont passées et bientôt, nous allâmes au terrain de jeu en soirée seulement pour boire de la bière cheap aux slogans racoleurs et pour y fumer de la marijuana. Parfois Dave prenait du speed et se mettait à parler sans arrêt, racontant milles fois telles aventures qu’il avait vécu et qui le mettait en valeur. Nous autres, l’esprit embrumé par l’herbe, nous l’écoutions sans rien dire, riant parfois d’une blague salace, grimaçant devant l’adversité. Nous l’écoutions religieusement, comme si c’était notre prophète et nous pensions en cachette que nous aurions pu vendre notre grand-mère en croquettes pour avoir une once de sa verve et de son leadership. Dave était notre roi, Dave était notre lumière. Sans Dave nous étions perdus : moi, surtout.

Dave connaissait tout plein de gens, de lieux, de rumeurs : mon père un jour m’avait dit en riant que Dave était comme l’homme qui a vu l’ours : il savait tout et rien à la fois. Mes parents ne comprenaient manifestement pas l’intérêt que je portais à Dave, mais moi je m’en foutais : leur opinion était la dernière chose qui m’importait. Elle l'est encore.

La première fois, avec Dave, nous étions dans ma chambre. Mes murs étaient tapissés d’affiches de femmes peu vêtues et de photos de groupes de musique hard-métal. Mes parents étant sortis pour la soirée, moi et Dave avions commandé de la pizza et regardé un film pornographique que Dave avait apporté avec lui. Ce n’est que plus tard que nous nous sommes masturbés. C’était la première fois que je me caressais en présence d’une autre personne et que cette personne soit Dave ne me dérangeait pas. Je n’y voyais aucun inconvénient, il me semblait au contraire que de partager ce moment nous rapprochait.

Plus tard dans la soirée, Dave a fumé une cigarette et m’a parlé d’une amie de son frère, Julie. Le frère de Dave connaissait plein de filles, toutes plus belles les unes que les autres et Julie, m’expliqua Dave, serait prête à coucher avec nous deux. «Pas en même temps! Dit-il en explosant de rire. Mais quand même…facque si ça te tente, on pourrait faire ça samedi prochain.» Julie était une vraie salope, me disait Dave, lui-même l’ayant culbuté quelques fois. Il se mit à me raconter des histoires grivoises où il était question de lui, d’orgie avec Julie et avec d’autres filles dont les prénoms finissaient en «i», de foutres, de bières et de lesbiennes en chaleurs. Nous finirent par nous endormirent, rêvant à des femmes aux gros seins

Le samedi suivant, nous étions chez Julie, une bière à la main. Du haut de mes 15 ans je n’en menais pas large et quand Dave me poussa du coude en disant : «Va-z-y en premier, c’est ta première fois non?» je me suis levé comme un ressort, les jambes tremblantes. Je suis allé dans la chambre où Julie m’attendait et j’ai expédié vite fait bien fait. Qu’elle ait eu du plaisir, j’en doute fort : même moi, je ne peux pas dire que j’y ai réellement passé un agréable moment. Mais Dave me l’avait offert et je ne voulais pas le décevoir. Quand il sortit de la chambre après y être allé à son tour, Dave s’est allumé une cigarette et a juré gros comme le bras. J'en ai conclu qu’il avait aimé son expérience.

Plusieurs semaines plus tard, nous étions étendus dans ma chambre, sur mon lit. Mes parents écoutaient la télévision dans le salon et pensaient que nous jouions à un jeu vidéo; la vérité était tout autre. La fenêtre de ma chambre était ouverte pour laisser sortir la fumée pendant que nous fumions des joints de marijuana en écoutants du death metal. Dave parlait et moi je l’écoutais, comme d’habitude. Dave disait qu’il voulait retourner chez Julie pour la baiser par tous les trous qu’elle avait sur le corps quand je l’ai interrompu. «Dave, ai-je dit, as-tu déjà couché avec un gars?» Dave ne parla pas pendant plusieurs secondes, puis, il répondit : «Bien sur. Pas toi?» Je repris une bouffé de joint.

Nous eûmes bientôt 20 ans et nous étions toujours aussi proche : mes parents blaguaient souvent, disant qu’on ne nous voyait jamais l’un sans l’autre. Et c’était bien vrai : si Dave prenait de la drogue, j’en prenais. Si Dave avait une blonde, j’en avais une moi aussi. Si Dave disait que la côte de bœuf d’un tel restaurant était excellente, j’en commandais une, malgré le fait que je n’aime pas la viande rouge. Alors quand Dave m’a dit qu’il avait été dans un sauna gai, j’ai ouvert toutes grandes mes oreilles.

Dave me parla de ce qu’on pouvait faire dans ce genre d’endroit…Il me vanta longuement le mérite des glory hole, disant qu’il avait essayé et que c’était tout simplement fabuleux. «Mais il ne faut pas mettre de condom, disait-il, ça coupe toutes les sensations…En tout cas, moi, j’en ai jamais mis et je n’ai jamais rien pogné! T’sais le sida pis toute…Ce n’est pas si dangereux que ça.» La semaine suivante, je traversais la porte du sauna.

Plusieurs mois plus tard, je suis allé (seul, cette fois) en consultation chez mon médecin de famille. Puisque je le connaissais depuis très longtemps, je n’ai pas hésité outre mesure à répondre à ses questions concernant ma vie sexuelle. Outre mon expérience dans un sauna gai, j’avais également fréquenté quelques filles, mais rien de très important. Quand il a froncé les sourcils et m’a recommandé de faire un test de dépistage du VIH, je n’ai pas été angoissé du tout. J’avais plus confiance en Dave qu’en mon propre docteur. On est si con, parfois.

Car 3 semaines plus tard, dans le bureau de mon médecin, j’ai pris conscience du sang qui coulait dans mes veines.

Alors ce soir, j’ai invité Dave à la maison. J’ai acheté de la bière, j’ai roulé des joints, j’ai loué deux films pornographiques avec des femmes aux grosses boules, comme il les aime. Et quand il sera assez chaud et assez gelé, je lui proposerais de baiser ensemble, sans condom. Juste pour voir. Parce qu'on est des chums. Ne partageons-nous pas tout entre nous? Il n'a pas à avoir peur. Jamais je ne lui ferais de mal.

Je l'aime tellement.



Comment j’ai adopté deux petits monstres et diminué mon stress au quotidien

Au travail, le Comité de santé et de sécurité a lancé un concours. On pouvait écrire un texte de maximum 20 lignes sur la gestion de notre stress et gagner un prix. Alors j'ai écris sur ma thérapie quotidienne avec les fufus. Pour l'instant, je fais partie des 3 finalistes...et j'ai gagné un certificat cadeau dans un spa! Merci les fafouettes! Voici le texte:



Puisque je suis une personne hyper-stressée (je dirais même über-stressé, mais je suis anxieuse à l’idée d’être définitivement out), je dois trouver des outils pour me calmer au quotidien. Puisque prendre 15 bains par jour est anti-écologique, j’ai opté pour une méthode 100% naturelle : la furethérapie. Cette méthode n’est pas sans risque : je suis parfois griffé, mordillé, boudé, négligé, attaqué et on me dort dans la figure 20 heures par jour. Mais je suis toujours amusé, aimé, adulé, embrassé, cajolé et émerveillé par eux. Deux petits monstres qui ressemblent à des filets de porc, deux petites tornades qui courent et cachent mes clés, mes patates et mon portefeuille, deux petits furets qui bien qu’ils soient parfois épuisants, me font rire et m’aide à lâcher prise pendant une heure ou deux, chaque jour. Et ça, c’est le meilleur remède que je connaisse contre le stress.