lundi 13 juillet 2009

Le chalet

Quand j'étais petite, nous allions à chaque été à mon chalet, au lac Saint-Charles dans la grande région de Québec.

C'était un shack perdu au milieu des riches maisons bourgeoises; un immense terrain où logeaient le Grand Chalet Blanc, la Roulotte et le Petit Chalet Bleu. Pour résumer, le Grand Chalet Blanc était comme la maison commune (où feu ma grand-mère dormait), la Roulotte appartenait à la famille M... et moi, mes parents et ma jeune sœur dormions dans le Petit Chalet Bleu. Mes cousins dormaient dans la Roulotte mitoyenne à notre chalet deux pièces: ils aimaient dire le matin que mon père ronflait tellement fort qu'ils l'avaient entendu toute la nuit. Comme il ronfle comme une tondeuse à gazon qui a de la misère à démarrer et que les murs du chalet étaient en carton, je crois bien qu'ils avaient raison.

En vérité, le Petit Chalet Bleu n'était pas isolé : les murs étaient vides. Ceci faisait en sorte que nous ne pouvions pas y vivre à l'année et que les murs étaient couvert de tablettes: les traverses des murs. Et les soirs de pluie, on entendait les gouttes frapper le toit comme si des écureuils dansaient la claquette sur nos tête.

Notre chalet était une fierté familiale, malgré ses allures déglingués. On y parquait nos vélo dans l'allée de garage, on construisait des cabanes dans les arbres, on se baignait dans la piscine hors-terre pendant des heures: que du bon.

La majorité du temps, il n'y avait que ma famille et celle de mes cousins M... Mais quand le reste de la parenté venait passer la journée au Lac, le party levait assez vite. Nous sommes beaucoup de cousins, 10 en tout; 10 ans sépare le plus jeune du plus vieux.

Et un jours, un de mes nombreux cousins a amené un ami du Patro Laval, un centre communautaire.

Oh oh.

Ensemble, nous ne faisions qu'un: le même sang coulait dans nos veines. Nous nous comprenions sans avoir à parler. Des codes régissaient notre monde et aujourd'hui, je sais que si vous dites à quelqu'un dans un party: ''Prends pas ma place'' lorsque vous vous lever pour aller pisser, garanti qu'il va la prendre pareil, juste pour vous faire chier.

Nous, nous respections la parole du cousin.

L'ami donc se présente au chalet et parle trop fort, bouge trop vite, bouscule un peu, bref essaie de se faire une place, mais ce n'est pas facile. Nous sommes tissés serrés.

Le jeune garçon n'a rien de particulier si ce n'est qu'il se gratte. Tout le temps. Peut-être avait-il un toc? Mais nous ignorons ce qu'est un toc, nous ignorons la maladie, la peur et la mort: alors nous l'appelons ''Sam Pique''.

Et Sam Pique de se gratter de plus belle, nous énervant parce que pas comme les autres, pas comme nous autres et nous décidons de faire une chose horrible.

Nous avions à mon chalet des objets que je n'ai jamais retrouvé ailleurs. Une chaise de jardin, par exemple: grande, longue, blanche en métal avec des springs et un coussin avec des fleurs jaunes et brunes. Une merveille kitsch.

Alors nous avons dit à Sam Pique de se coucher sur la chaise, pour le fun, sans y mettre le coussin. Et toujours pour le fun, nous l'avons attaché avec une grosse corde jaune qui écorchait les mains.

Puis, quand il fut bien ficelé, une bulle est passée et nous avons décidé, entre cousins, d'aller au lac pour voir s'y on y était. Car au lac Saint-Charles, il y avait un lac: de l'autre côté de la rue et du bosquet.

C'est ma tante N... qui nous a intercepté. Sans elle, Sam Pique serait encore sur sa chaise.

Mais il faut nous comprendre: nous n'étions que des enfants.

Et il n'arrêtait pas de se gratter.

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