Il était une fois…
Une jeune fille qui croyait au conte de fée. Élevée dans la
ouate par des parents cordonniers qui lui cachaient la réalité, soit que ce
n’est pas parce qu’on travaille fort qu’on est récompensé, préférant murmurer que tout va bien, elle
grandit dans un cocon d’amour et d’eau fraîche et se mit à chercher, à
l’adolescence, un prince pour partager son eau et son lit. Elle embrassa
quelques crapauds, car elle croyait à tort qu’un homme laid l’aimerait plus, et
rencontra son prince dans un bar, un soir où elle ne devait pas sortir. Elle
partie avec lui dans un royaume étranger, y fit de belle rencontre et s’essaya
à plusieurs choses, sans jamais trop réussir. Mais elle aurait suivi son prince
jusqu’au bout du monde : contrairement aux autres, il était beau. Et elle,
elle ne s’était jamais trouvée belle.
Quand il était 11 h 11, elle souhaitait vivre avec lui
jusqu’à la fin des temps. Quand elle lui disait je t’aime, elle espérait
entendre : Moi aussi et non, je te quitterais jamais. Il en en a eu
d’autres avant, mais elles n’étaient pas dignes de toi. You’re the one. Étrangement,
c’est elle qui le quitta.
Car un soir de septembre, le conte de fée se transforma en tragédie grecque.
De retour d’un rendez-vous, le prince annonça à sa belle ce
que celle-ci savait depuis longtemps : il était en dépression. L’amour qu’elle
lui donnait ne le sauverait pas. Mais ça, elle ne le savait pas encore. Elle
avait vu Breaking the Waves. Quant au prince, il était trop pris dans ses
brumes pour réaliser quoi que ce soit. Petit à petit, il se mit à en aimer une
autre. Celle avec un grand M.
S’en fut 7 mois de malheur. Un jour, à l’université où elle étudiait, elle faillit
battre une autre femme, lui fracassé la tête contre le bitume, car celle-ci
riait. « Tu n’as pas le droit d’être heureuse! » Qu’elle aurait voulu
lui crier. La peur d’être démasqué la retint. Elle ne voulait pas que les gens
sachent que tout n’allait pas bien. Alors elle ravala ses larmes et pensa à ce qu’elle
mangerait pour souper ce soir là.
Pendant 7 mois, elle eut peur. Elle n’avait pas été préparée
à ça. La mort, ça arrive quand on est vieux. Mais là mort arrivait chez elle
sur commande et il ne se passa pas une journée sans qu’elle y pense avec effroi :
et si le prince pendait au bout d’une corde? Et si tout ce qu’il restait de
leur amour était qu’une lettre aux caractères froids et accusateurs? Et s’il
lui demandait encore, y arriverait-elle?
Un jour, elle a réalisé que s’il lui demandait, elle partirait
avec lui. Et que s’il ne lui demandait pas, elle partirait toute seule, en se
jetant par la fenêtre. Alors elle prit son baluchon, y a mis des vêtements
chaud et est partie. Elle a quitté le prince qu’elle avait tant aimé, dont elle
avait tant souhaité être aimé en retour…Et bien qu’il l’ait aimé, il est
heureux qu’il ne lui a pas demandé de la suivre. Elle aurait fait là une grosse
erreur.
De retour chez elle, elle a repris du poil de la bête. A
rencontré un autre homme charmeur, ni prince, ni crapaud : un homme qui
aime les voitures, jouer au golf et boire de la bière. Un homme qui l’a fait
rire.
Cet homme fut l’un des liens qui la tenu en vie pendant 5
ans. Il ne le sait pas, mais elle lui doit beaucoup.
Car tout arriva en même temps : elle faillit faire
faillite, voulu mourir, se chicana avec une amie d’enfance, se disputa avec sa
mère et développa un trouble d’anxiété généralisé, suite à l’épisode précédant.
Elle galéra, car les études qu’elle avait arrêtées dans le royaume voisin ne se
reprenaient pas de la même façon où elle était. Elle eu plusieurs contrat, pris
du poids et des antidépresseurs et suivit une thérapie, qui s’avéra être la
chose la plus difficile qu’elle a jamais vécu. Souffrir, c’est une chose.
Admettre à quel point on souffre en est une autre.
Elle crût d’abord qu’on lui avait jeté un sort. Que tout ces
souhaits de bonheur avec le prince s’était retourné contre elle. Qu’on ne peut pas autant souhaiter quelque
chose et lui tourner le dos comme ça. Qu’elle aurait peut-être dû rester dans
le royaume enchanté. Qu’elle aurait peut-être dû y mourir.
Aujourd’hui, elle va mieux. Un jour, elle s’est aperçue que
la galère était terminée. Fini les folies! Elle avait un bon emploi, elle
payait ses dettes rubis sur l’ongle, elle n’avait plus de crise d’anxiété…
C’était fini. Ding dong the witch is dead.
Pendant quelques semaines, elle paniqua devant le vide causé par
l’évanouissement de ses vieux démons; parti, les jours incertains. Au revoir,
l’envie de mourir. Disparu, la peur de la mauvaise nouvelle quand le téléphone
sonne. Terminé les projets foireux
qu’elle s’inventait pour s’étourdir et donner raison à sa vie. Elle n’avait
plus à se battre. Elle avait gagné. Elle y était arrivée.
Sa vie n’avait plus à avoir de raison : elle était,
c’est tout.
Bien qu’elle fût fiancée avec l’homme qui la faisait rire,
elle n’a toujours pas d’enfant. A envie parfois de cracher aux visages des
femmes qui ont la maternité heureuse et extravertie. L’emploi de rêve s’avère
être difficile et elle vient d’y perdre des heures de travail. Néanmoins, quand
elle regarde derrière elle, elle sourit. Elle sait qu’elle ne retournera jamais
dans le royaume enchanté et elle en est fort aise. Elle sait aussi que sa vie
ne sera plus jamais la même : ce qui lui est arrivée est trop grave, elle
en comprend tout juste les conséquences. L’anxiété, cette vieille salope, est
toujours présente, prête à l’envelopper de son châle rassurant et angoissant.
Malgré qu’elles soient souvent inconfortables, on retourne toujours à nos
vieilles pantoufles, pour la sécurité qu’elles nous offrent face à l’inconnu du
plancher frette.
Mais elle ne veut plus mourir. Et le prince, dans son
royaume, non plus. Il s’est fiancé, lui aussi. Il est heureux.
Elle ne croit plus au conte de fée. Elle croit en la vie.
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