dimanche 9 juin 2013

Au royaume des rêves désenchantés

Il était une fois…

Une jeune fille qui croyait au conte de fée. Élevée dans la ouate par des parents cordonniers qui lui cachaient la réalité, soit que ce n’est pas parce qu’on travaille fort qu’on est récompensé,  préférant murmurer que tout va bien, elle grandit dans un cocon d’amour et d’eau fraîche et se mit à chercher, à l’adolescence, un prince pour partager son eau et son lit. Elle embrassa quelques crapauds, car elle croyait à tort qu’un homme laid l’aimerait plus, et rencontra son prince dans un bar, un soir où elle ne devait pas sortir. Elle partie avec lui dans un royaume étranger, y fit de belle rencontre et s’essaya à plusieurs choses, sans jamais trop réussir. Mais elle aurait suivi son prince jusqu’au bout du monde : contrairement aux autres, il était beau. Et elle, elle ne s’était jamais trouvée belle.

Quand il était 11 h 11, elle souhaitait vivre avec lui jusqu’à la fin des temps. Quand elle lui disait je t’aime, elle espérait entendre : Moi aussi et non, je te quitterais jamais. Il en en a eu d’autres avant, mais elles n’étaient pas dignes de toi. You’re the one. Étrangement, c’est elle qui le quitta.

Car un soir de septembre, le conte de fée se  transforma en tragédie grecque.

De retour d’un rendez-vous, le prince annonça à sa belle ce que celle-ci savait depuis longtemps : il était en dépression. L’amour qu’elle lui donnait ne le sauverait pas. Mais ça, elle ne le savait pas encore. Elle avait vu Breaking the Waves. Quant au prince, il était trop pris dans ses brumes pour réaliser quoi que ce soit. Petit à petit, il se mit à en aimer une autre. Celle avec un grand M.  

S’en fut 7 mois de malheur. Un jour, à  l’université où elle étudiait, elle faillit battre une autre femme, lui fracassé la tête contre le bitume, car celle-ci riait. « Tu n’as pas le droit d’être heureuse! » Qu’elle aurait voulu lui crier. La peur d’être démasqué la retint. Elle ne voulait pas que les gens sachent que tout n’allait pas bien. Alors elle ravala ses larmes et pensa à ce qu’elle mangerait pour souper ce soir là.

Pendant 7 mois, elle eut peur. Elle n’avait pas été préparée à ça. La mort, ça arrive quand on est vieux. Mais là mort arrivait chez elle sur commande et il ne se passa pas une journée sans qu’elle y pense avec effroi : et si le prince pendait au bout d’une corde? Et si tout ce qu’il restait de leur amour était qu’une lettre aux caractères froids et accusateurs? Et s’il lui demandait encore, y arriverait-elle?

Un jour, elle a réalisé que s’il lui demandait, elle partirait avec lui. Et que s’il ne lui demandait pas, elle partirait toute seule, en se jetant par la fenêtre. Alors elle prit son baluchon, y a mis des vêtements chaud et est partie. Elle a quitté le prince qu’elle avait tant aimé, dont elle avait tant souhaité être aimé en retour…Et bien qu’il l’ait aimé, il est heureux qu’il ne lui a pas demandé de la suivre. Elle aurait fait là une grosse erreur.

De retour chez elle, elle a repris du poil de la bête. A rencontré un autre homme charmeur, ni prince, ni crapaud : un homme qui aime les voitures, jouer au golf et boire de la bière. Un homme qui l’a fait rire.

Cet homme fut l’un des liens qui la tenu en vie pendant 5 ans. Il ne le sait pas, mais elle lui doit beaucoup.

Car tout arriva en même temps : elle faillit faire faillite, voulu mourir, se chicana avec une amie d’enfance, se disputa avec sa mère et développa un trouble d’anxiété généralisé, suite à l’épisode précédant. Elle galéra, car les études qu’elle avait arrêtées dans le royaume voisin ne se reprenaient pas de la même façon où elle était. Elle eu plusieurs contrat, pris du poids et des antidépresseurs et suivit une thérapie, qui s’avéra être la chose la plus difficile qu’elle a jamais vécu. Souffrir, c’est une chose. Admettre à quel point on souffre en est une autre.

Elle crût d’abord qu’on lui avait jeté un sort. Que tout ces souhaits de bonheur avec le prince s’était retourné contre elle.  Qu’on ne peut pas autant souhaiter quelque chose et lui tourner le dos comme ça. Qu’elle aurait peut-être dû rester dans le royaume enchanté. Qu’elle aurait peut-être dû  y mourir.

Aujourd’hui, elle va mieux. Un jour, elle s’est aperçue que la galère était terminée. Fini les folies! Elle avait un bon emploi, elle payait ses dettes rubis sur l’ongle, elle n’avait plus de crise d’anxiété… C’était fini. Ding dong the witch is dead.  Pendant quelques semaines, elle paniqua devant le vide causé par l’évanouissement de ses vieux démons; parti, les jours incertains. Au revoir, l’envie de mourir. Disparu, la peur de la mauvaise nouvelle quand le téléphone sonne.  Terminé les projets foireux qu’elle s’inventait pour s’étourdir et donner raison à sa vie. Elle n’avait plus à se battre. Elle avait gagné. Elle y était arrivée.

Sa vie n’avait plus à avoir de raison : elle était, c’est tout.

Bien qu’elle fût fiancée avec l’homme qui la faisait rire, elle n’a toujours pas d’enfant. A envie parfois de cracher aux visages des femmes qui ont la maternité heureuse et extravertie. L’emploi de rêve s’avère être difficile et elle vient d’y perdre des heures de travail. Néanmoins, quand elle regarde derrière elle, elle sourit. Elle sait qu’elle ne retournera jamais dans le royaume enchanté et elle en est fort aise. Elle sait aussi que sa vie ne sera plus jamais la même : ce qui lui est arrivée est trop grave, elle en comprend tout juste les conséquences. L’anxiété, cette vieille salope, est toujours présente, prête à l’envelopper de son châle rassurant et angoissant. Malgré qu’elles soient souvent inconfortables, on retourne toujours à nos vieilles pantoufles, pour la sécurité qu’elles nous offrent face à l’inconnu du plancher frette.

Mais elle ne veut plus mourir. Et le prince, dans son royaume, non plus. Il s’est fiancé, lui aussi. Il est heureux. 

Elle ne croit plus au conte de fée. Elle croit en la vie. 


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